Déconsommation : mythe ou réalité ?
Les Français prônent de plus en plus un modèle de consommation raisonné face aux enjeux sociaux et environnementaux auxquels ils sont confrontés. Mieux consommer oui, mais surtout moins. On parle alors de déconsommation, c'est-à-dire au renoncement volontaire à la consommation de produits ou services non indispensables. Si le terme peut sembler tabou, il gagne une place importante dans le discours social. Serions-nous donc entrés dans l’ère de la déconsommation ?
De la surconsommation à la déconsommation
Les tendances de consommation ont évolué depuis les années 1950. Découvrez comment dans cet article.
Déconsommation : à l’origine du phénomène
À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'indicateur de richesse appelé Produit Intérieur Brut (PIB) était très bien adapté pour accompagner et suivre le développement des économies en difficulté. L’Europe s'est ainsi naturellement tournée vers des valeurs et des aspirations matérialistes.
Puis le PIB est devenu un indicateur convoité par de nombreux pays qui, toujours à l’heure d’aujourd'hui, cherchent désespérément à atteindre un certain seuil de croissance. Cette croissance a pourtant révélé ses limites lorsqu’elle est devenue non plus un moyen, mais une fin. Pour parvenir à cette croissance, les rythmes de production sont effrénés et vont très souvent à l’encontre du respect des droits sociaux et environnementaux. L'équation de Kaya développée par l'économiste Yoichi Kaya en 1993 avait alors permis de mettre en lumière les effets néfastes de cette consommation effrénée sur l'environnement.
Dans une économie fragilisée par les enjeux climatiques, géopolitiques et sociaux du XXIe siècle, le PIB devra se réinventer pour s'accompagner d'autres indicateurs pouvant mesurer d'autres indices que la création de richesse monétaire. Quant aux consommateurs, de manière délibérée ou subie, ils adoptent des habitudes de consommation différentes pour limiter leur impact sur le vivant.
Surconsommation : les tendances clés et leurs impacts
Les tendances de consommation ont considérablement évolué ces dernières années.
Phénomène de fast fashion
Qu'est-ce que le fast fashion ? La fast fashion en opposition à la slow fashion désigne la tendance dans l’industrie du textile à renouveler de manière très rapide les collections de vêtements. On parle alors d’une mode “jetable”.
Les vêtements à bas prix sont produits dans des conditions sociales dramatiques à un coût environnemental dramatique. Lorsque le produit n’est pas fabriqué avec une matière synthétique telle que le polyester qui est un dérivé du pétrole, il est produit avec des fibres naturelles telles que le coton et nécessite une irrigation et un traitement phytosanitaire important. Selon un rapport du WECF, pour produire 1 kg de teeshirt, il faut utiliser 4 kg de produits chimiques.
Autres chiffres clés quant à la surconsommation de vêtements...
- Sur les 5 millions de tonnes mises sur le marché, près de 4 millions de tonnes de textiles, neufs ou usagés, sont jetées en Europe chaque année (Radio France, 2018),
- Selon la Fondation Ellen MacArthur, 20 % de la pollution des eaux dans le monde incombe au secteur de l’industrie textile,
- Le lavage de vêtements composé de matières synthétiques est problématique. Des matériaux tels que le polyester, le polyamide et l'acrylique sont tous des composés plastiques qui se cassent en très petits morceaux lorsqu'ils sont lavés. Selon une recherche scientifique publiée en 2016, une charge de lavage moyenne de 6 kg relâche 700 000 fibres de microplastiques par lavage.
Le gaspillage alimentaire
Le gaspillage alimentaire est un des maux bien ancré dans la société du XXIe siècle. Lorsque le consommateur ne consomme pas de manière durable en se tournant par exemple vers des produits de l'agriculture biologique, il est directement impliqué dans ce fléau. Au-delà de la consommation produite et souvent jetée à la poubelle, la production des déchets qui constitue un bien alimentaire vient assombrir le bilan. On estime que :
- Ainsi, même triés dans le bac jaune, les emballages plastiques partent le plus souvent à l'incinération : seulement 5% ont été recyclés en 2019 selon Citéo,
- En France, les pertes et le gaspillage alimentaires équivalent à 10 millions de tonnes de produits par an,
- Au niveau mondial, sur une année, c’est un tiers de la production alimentaire qui est jeté à la poubelle.
L’hyperconnectivité
Qu'est-ce que l'hyperconnectivité ? L’hyperconnectivité signifie utiliser de manière excessive les nouvelles technologies. Outre la fabrication des composants de nos appareils numériques, les conséquences de leur utilisation restent bien généralement occultées et sont pourtant néfastes pour l’environnement.
Si internet était à ses balbutiements dans les années 1990, aujourd'hui, nous ne voyons plus notre quotidien sans un smartphone. Sans nous en rendre compte, lorsque nous utilisons notre téléphone portable, notre tablette, notre télévision, nous consommons, mais aussi, nous polluons. Nous consommons toujours plus de contenu, de publicités et téléchargeons des pièces jointes ou des vidéos… Avec la progression de ces usages à outrance, la pollution du numérique produit désormais autant de gaz à effet de serre que le secteur aérien.
Et la croissance verte alors ?
Les prévisions de croissance promises par les gouvernements se succèdent année après année. Faut-il pour autant se décourager ? Bien sûr que non. Toutefois, la France et surtout les Français doivent s’adapter à un nouvel environnement. L’économiste Kenneth Boulding est célèbre pour avoir dit :
Celui qui croit que la croissance peut être infinie dans un monde fini est soit un fou, soit un économiste. Kenneth Boulding
Les discours politiques prônent une croissance verte. Mais qu’en est-il en réalité ? La croissance verte trouve un écho favorable dans les sociétés industrielles, car elle apparaît comme un compromis. Elle permet un passage nécessaire à un modèle de développement, mais sans pour autant renoncer aux habitudes de vie et de consommation qui caractérisent les économies capitalistes. La croissance verte passe par la consommation de biens ou services, mais la consommation est à bien des égards une source de pollution. Elle constitue à elle seule notre empreinte carbone individuelle.
Alors pour envisager un avenir durable, ne faudrait-il pas simplement apprendre à vivre avec moins ?
Si la croissance verte est plus facile à mettre en œuvre, la décroissance quant à elle implique de modifier des pans entiers de la société, à commencer par nous-même. Peut-être faudrait-il début par "apprendre à être et ne pas avoir"?
Pourquoi refuser la société de consommation ?
Chaque jour, sans nous en rendre compte, nous sommes assaillis d’incitations à la consommation. Si rien n'est fait pour protéger l'environnement face au réchauffement climatique, la décroissance va s'imposer à la société dans les années à venir.
Refuser la société de surconsommation pour la santé de l’Homme
- Parce que notre alimentation est constituée de produits trop caloriques, transformés et trop sucrés,
- Car nous combinons à tort une alimentation trop riche à un mode de vie trop sédentaire,
- Les produits affichant des prix très bas sont souvent produits dans des conditions effroyables (utilisation de pesticides à outrance, modèle de production intense et conditions sociales de la main-d’œuvre déplorable).
Refuser la société de surconsommation pour la protection de l’environnement
- De nos jours, nous achetons de tout, en toutes saisons. Nous consommons des produits exportés de l'autre bout de la planète sans en connaître l’impact sur l'Homme et l'environnement. Il s'agit du capitalisme en opposition à l'économie collaborative,
- Parce que les produits que nous consommons sont trop emballés de plastique et vont à l’encontre d’une économie circulaire,
- Car les produits animaliers que nous consommons participent à la dégradation des écosystèmes (surpêche, pollution de l’eau et des sols, destruction de forêts).
Déconsommer pour lutter contre la société de surconsommation
Apprendre à modifier ses habitudes de consommation alimentaire
Pourquoi changer ses habitudes de consommation ne devrait plus être un débat ?
D'après l'ADEME, le quart des émissions de gaz à effet de serre en France provient de nos assiettes.
Modifier ses habitudes de consommation alimentaire n’est pas forcément synonyme de privation. Manger de manière différente peut s’avérer être un réel atout pour l’Homme et la planète. Pour cela, oubliez la cuisine rapide et adoptez le “fait maison” comme :
- Cuisiner avec des fruits et légumes, bruts et de saison (en famille, entre amis…),
- Prendre le temps d’aller sourcer ses fruits et légumes chez le producteur,
- Faire le tri de ses déchets et composter ses aliments organiques,
- Diminuer sa consommation de produits animaliers.
Le saviez-vous ? Plus de 40 % des poissons pêche servent à nourrir les animaux et le poisson d'élevage selon la Food and Agriculture Organisation (FAO). À cette hérésie, s’ajoute le fait que 71 % des terres agricoles, en Europe ont été dédiées, à l’alimentation animale.
(Source : Greenpeace, 2017)
Apprendre à décélérer son rythme de vie : de la “fast life” à la “slow life”
Les sociétés occidentales nous entraînent dans une course effrénée après le temps. Que ce soit en entreprise ou dans notre quotidien, nous sommes constamment submergés par le besoin de rentabiliser notre temps. L’expression “le temps, c'est de l’argent” prend tout son sens dans la société du XXI siècle. Alors, faut-il vivre à 100 à l’heure pour avoir une vie riche et intéressante ? Avons-nous l’impression de prendre plus de temps pour soi et pour les autres ?
Ralentir le rythme de croisière de sa vie va de pair avec la tendance à la déconsommation. Aux antipodes de la performance et de la rapidité, la “Slow Life” souhaite être tournée vers le bien-être de l’Homme et son environnement. Ralentir le rythme de vie et adopter un mode de vie minimaliste est un cheminement personnel dans lequel chacun individu est invité à trouver un nouvel équilibre qui lui convient. Il peut s’agir de :
- Réduire son hyperconnectivité, en diminuer son temps d’écran tous les jours permet de réduire son stress,
- D'apprendre à réparer/customiser les vêtements plutôt que de les changer. Lorsque le besoin ou l’envie se fait ressentir, se tourner plutôt vers des magasins de vêtements de seconde main.
Ralentir le rythme de son mode de vie, c'est parfois découvrir comment renouer avec la simplicité.
Redécouvrir le goût des choses simples de la vie
Et si lutter contre une société de surconsommation signifiait réapprendre à aimer le goût des choses simples ? Renouer avec la simplicité, c’est réduire sa consommation et ce désir avide de tout voir et tout connaître. La culture du beau et de l’extraordinaire est omniprésente de nos jours et les réseaux sociaux détiennent une part de responsabilité dans ce phénomène. Les influences culturelles à l’ère des réseaux sociaux numériques ont profondément changé. À l’image du tourisme, nous n’imaginons plus nos existences sans parcourir tous les étés 8 000 km ou s’évader le temps d’un week-end à l’autre bout de l’Europe. Pourtant, la plupart des choses que nous apprécions de faire dans la vie n’émettent pas de gaz à effet de serre comme se dépenser, dormir, parler...
Profitez des moments plus simples en ralentissant son rythme de vie, c'est peut-être se libérer du carcan de la jouissance matérielle. Les sociétés contemporaines sont au tournant d’un nouveau modèle de développement. Soit, elles refusent d’affronter la réalité, soit elles changent de stratégie en s’adaptant à un nouvel environnement. Alors, prêt à tenter la “Slow Life” ?